La télé a rendez-vous 

avec la toile

 

AOL a mis des milliards de dollars sur la table pour acquérir Time Warner et son réseau câblé. A travers cette fusion, le premier fournisseur mondial d'accès à Internet se donne les moyens d'allier le Web et la télévision pour mettre la main sur de nouveaux marchés.

 

Faire du téléspectateur un internaute

Sortir du ghetto d'Internet

Web et TV, vers un écran total


R
egarder la télévision sur son PC, surfer sur Internet à partir de son téléviseur, choisir soi-même l'heure et le contenu des programmes que l'on veut visionner, tout cela sera sans doute possible dans un proche avenir. D'autant plus proche que la fusion d'America Online (AOL) et de Time Warner est un grand pas en avant vers la convergence entre la télévision et le Web. Ce sont ces perspectives qui se cachent derrière l'alliance entre les deux géants américains. 
Cette fusion n'est en apparence pas justifiée d'un point de vue économique. D'ailleurs, la Bourse n'a visiblement pas compris cette stratégie : dès le lendemain à Wall Street, le titre AOL a fortement baissé car les perspectives de croissance à court terme de Time Warner sont inférieures à celles d'AOL et des nouvelles technologies en général.
Pourquoi donc le premier fournisseur mondial d'accès à Internet s'est-il encombré d'un groupe comme Time Warner qui a tant de mal à prendre le virage des nouvelles technologies ? L'acquisition de "contenus" audiovisuels (marques déposées, vidéos et sons sous copyright) n'est pas une explication suffisante : AOL dispose déjà d'accords rentables avec d'autres groupes comme, en France, la chaîne Canal Plus, qui lui permettent d'exploiter de tels contenus sous licence. 


Faire du téléspectateur un internaute
Il s'agit en fait pour AOL d'un pari à moyen terme : le développement d'énormes marchés autour de la convergence d'Internet et des médias traditionnels, en particulier la télévision. Jusqu'à présent seules des start-up se sont risquées dans cette direction. Une des premières chaînes de télévision diffusées en direct sur le Net est l'œuvre d'une dizaines de pionniers allemands : NBC Giga diffuse cinq heures par jour sur giga.de. Les chaînes françaises qui se sont mises au Web, notamment Canal Plus ou TF1, se contentent le plus souvent de mettre en ligne certaines des émissions qu'elles proposent déjà sur le petit écran. 

A l'inverse, d'autres jeunes entreprises ont développé des accès à Internet via les écrans de télévision. Web TV aux Etats-Unis et, en France, Net Box et Domo TV permettent déjà de consulter son courrier électronique et de profiter de certains services en lignes en utilisant sa télécommande. 
L'arrivée d'AOL sur ce créneau montre l'intérêt nouveau que les grands groupes accordent à ces développements. Porté à la télévision, même dans une version allégée, Internet touchera un public bien plus important qu'aujourd'hui. Et à l'inverse, la possibilité de visionner sur le Web des émissions très spécialisées attirera de nouveaux publics vers le Net.

 

 
Sortir du ghetto d'Internet

La télévision ouvre à AOL un marché potentiel énorme qu'elle ne peut atteindre aujourd'hui par la version classique d'Internet. Même aux Etats-Unis, le pays de loin le plus touché par la vague Internet, on ne compte que 40% de foyers équipés d'un ordinateur alors que tous ou presque possèdent un téléviseur. C'est pourquoi AOL et ses concurrents tentent aujourd'hui de devenir accessibles autrement que par l'ordinateur. Une stratégie que les dirigeants d'AOL ont baptisée "AOL Anywhere" (AOL partout). C'est dans ce cadre qu'AOL a lancé début janvier un nouveau service, AOLTV, permettant d'accéder au Web à partir de son poste de télévision. Ce n'est pas une coïncidence si ce service a été lancé quelques jours avant l'annonce de la fusion avec Time Warner.
C'est en effet la fusion avec Time Warner qui donne à AOL les moyens de s'installer sur la télévision. A travers Time Warner, AOL met la main sur le deuxième réseau câblé des Etats-Unis, ce qui lui permet de faire passer Internet par le câble au lieu des lignes téléphoniques, comme le font déjà certains de ses concurrents. L'arrivée des programmes télévisés et du Web par les mêmes câbles facilitera leur distribution simultanée sur le petit écran. C'est justement par le câble que passe AOLTV. 


Web et TV, vers un écran total

Du côté des ordinateurs, le débit sera fortement accéléré, ce qui permettra d'accéder plus rapidement à des contenus vidéo de qualité. Le plus gros handicap de la télévision en ligne reste aujourd'hui la faible qualité de l'image et la lenteur du chargement. Les internautes qui se sont précipités sur la version pirate de Star Wars diffusée sur le Net ont pu constater la différence avec le film projeté dans les salles. 
Cette évolution est facilitée par les progrès techniques constants dans le domaine des outils de réception : l'écran des micro-ordinateurs se rapproche de la qualité des écrans de télévision et les écrans de télévision vont comprendre de plus en plus de fonctions. La télévision est déjà interactive: certains postes permettent non seulement de recevoir des informations mais aussi d'en envoyer. 
Cette convergence s'effectue parallèlement au niveau des contenus : la généralisation des chaînes spécialisées et des programmes à la carte, notamment sur le câble, rapproche de plus en plus la télévision du Net, où les contenus proposés sont laissés au choix de chacun. AOL Time Warner compte bien en profiter.
Il n'a d'ailleurs pas fallu longtemps pour que d'autres grands groupes lui emboîtent le pas de ce côté-ci de l'Atlantique. Moins de trois semaines après la fusion AOL-Time Warner, le numéro un britannique du téléphone mobile Vodafone et le champion français des médias Vivendi ont conclu un accord de développement dans le domaine d'Internet. Les deux entreprises ont décidé de créer MAP, un grand portail d'accès européen comparable à Yahoo. L'alliance de la télévision et du Net est au centre du projet : MAP doit permettre à Canal Plus et CanalSatellite, les chaînes du groupe Vivendi, de se faire une place sur la toile.

Yann Hildwein et Caroline Perrot
Ecole supérieure de journalisme de Lille

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